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27 mars 2007

La région Moyen Orient-Afrique du Nord, les Etats- unis et l’Europe

Le rapprochement intervenu entre les Etats unis et l’Europe sur la région moyen orient Afrique du nord autorise-t-il à parler désormais d’une convergence de vue entre ces deux grands acteurs internationaux sur ce dossier et d’autrepart à une reconnaissance du caractère positif de l’action des Etats-Unis en faveur de la démocratisation dans cette région ?
Plusieurs observations peuvent être faites à ce sujet :
Il faut d’abord rappeler que l’initative du grand moyen orient qui prétend vouloir faire progresser la démocratisation la liberté et le développement dans cette région est intervenue postérieurement à l’opération irakienne et est donc plutôt apparue comme un contre-feu à l’enlisement des états unis dans le bourbier irakien, et à une inaction pesante des états unis sur la question palestinienne, ce au moins jusqu’au décès du président Arafat.
La France a par ailleurs justement rappelé que la démocratisation ne saurait s’exporter à coups de canon et en conséquence qu’elle ne saurait changer d’avis sur l’opération américaine telle qu’elle a été menée en irak.
Une opération qui sous prétexte de lutte contre les armes de destruction massive et contre le terrorisme, a plutôt conduit à démultiplier ce dernier et à faire de l’Irak d’avantage un foyer de déstabilisation du moyen orient que le ferment de sa démocratisation.
Si les élections irakiennes ont été saluées, y compris en France et en Europe, comme un premier progrès dans la situation irakienne, le maintien d’un niveau extrèmement élevé de violence et les incertitudes qui continuent à peser sur la formation du nouveau gouvernement irakien montre que le chemin à parcourir vers une simple « stabilisation » de la situation en Irak demeure encore très long.
En Palestine, si le processus de paix est de nouveau sur les rails depuis le sommet de Charm el Cheikh du huit février dernier qui a fait suite à l’élection de Mahmoud Abbas, et si l’on peut reconnaître le fait que les états unis ont exercé une pression importante sur Ariel Sharon depuis lors, la situation demeure incertaine et la perspective d’un accord global entre Israel et la Palestine très éloignée, malgré le calendrier de feu la feuille de route. Tout ce qui a été obtenu en dehors d’un retrait unilatéral de Gaza reste assez limité, tandis que la relative fragilité politique de Mahmoud Abbas est apparue de façon éclatante depuis la décision du Hamas de se présenter aux élections législatives de juillet prochain, et de contrer ce dernier sur le terrain politique.
Ces deux territoires ne sauraient donc servir à ce jour de locomotives ou de modèles pour le projet américain de démocratisation et de refondation de cette région, même si la maturité démocratique de la société palestinienne est réelle, et celle-ci n’a pas attendu la politique de Georges Bush pour en témoigner.
Le Liban pourrait-il alors être le fer de lance de ce « printemps arabe » que décrivent désormais les journaux américains ?
Force est de constater que si le retrait total de l’armée syrienne du Liban est un objectif hautement souhaitable pour que celui-ci recouvre sa pleine souveraineté, mise au service d’un pays qui a souvent démontré par le passé d’étonnantes capacités à incarner la démocratie et le progrès, la cruauté des quinze années de guerre au Liban doivent nous rappeler la fragilité extrème du tissu socio-communautaire libanais, fait de pas moins de dix-sept communautés ethniques et religieuses.
Si le front communautaire de plus en plus large de l’opposition (chrétiens, druzes, sunnites) nous renseigne sur les progrès importants de la cohésion nationale au liban, l’absence de la communauté la plus importante du pays, les chiites, et sa présence en masse dans la manifestation organisée récemment par le Hezbollah et les partis pro-syriens au liban démontrent que le confessionnalisme reste un élément majeur de compréhension de la scène nationale libanaise, et plus largement de la scène proche et moyen-orientale, notamment marquée par la rivalité chiites-sunnites qu’actionnent également les régimes en place dans leur jeu régional, fussent-ils contrôles par des représentants de communautés encore plus minoritaires, comme les alaouites en syrie.
Le degré de violence intercommunautaire exercé par les groupes sunnites de Moussa al Zarquaoui contre la communauté chiite en Irak montre à quel point la rivalité est forte entre les communautés pour le contrôle du pouvoir au sein des états proche et moyen-orientaux (sans compter la question kurde qui s’apparente plus à une question nationale), jusque dans la (plus) paisible Turquie ou le long compagnonnage entre la social-démocratie turque et la communauté chiite alévie était passée presque inaperçue jusqu’à ces dernières années.
Cela pour dire que ce facteur a été manifestement sous-estimé par les américains dans leur projet pour le moyen orient (à moins que ce dernier ne s’inspire directement du projet qu’a longtemps nourri israel et avant elle la France (dans les années vingt) d’un proche et moyen orient fait d’une multitude de cantons dirigés par les différentes communautés religieuses), tout comme le fait que les islamistes constituent traditionnellement la première alternative aux pouvoirs en place dans la région MENA.
Au Liban la question des modalités d’intégration du hezbollah dans la vie politique libanaise reste la question clé du moment et les états unis semblent commencer à le comprendre, mais aussi sa capacité à exister de façon autonome par rapport au régime syrien.
La Syrie apparaît aujourd’hui particulièrement fragile et toute déstabilisation supplémentaire de son régime par les états unis pourrait au delà d’un réel encouragement aux démocrates syriens précipiter celle-ci dans le maelstrom des affrontements communautaires avec des revanches espérées par une communauté sunnite longtemps écartée du pouvoir et des mouvements islamiques sunnites sévèrement réprimés par le régime lors des bombardement de Hama et de Homs en 1982.
Si l’Iran a semblé jusqu’ici peu réceptif à la pression américaine, malgré la focalisation des enjeux sur le nucléaire iranien et la capacité de celui-ci à fabriquer des bombes atomiques, les états unis soulignent à l’envie les changement à l’œuvre en Arabie saoudite et en Egypte (la tenue des élections municipales en arabie et la promesse du président Moubarak d’organiser des élections présidentielles), jusqu’ici tancés par Washington pour la lenteur des réformes démocratiques dans leur pays.
Outre que d’autres pays de la région ont conduit des réformes plus importantes, et ce de façon bien antérieure à l’émergence du projet Grand Moyen-Orient (en Jordanie, au Qatar, au Koweit, à Bahrein…), ces aménagements concernant différentes élections restent des réformes largement cosmétiques, en particulier parce que ce n’est pas le jeu formel des élections qui fait la démocratie.
Le Maghreb, qui organise depuis longtemps de nombreuses élections soi-disant démocratiques, peut en témoigner, lui dont les régimes ont encore beaucoup de progrès à faire dans ce domaine, à l‘exception peut-être du Maroc, qui a entrepris depuis 1992 de réelles réformes, même si celles-ci ont été freinées depuis les attentats de Casablanca., et si elles ne suffisent pas à lutter contre la makhzénisation de la vie politique et économique marocaine et contre le maintien d’un niveau de pauvreté particulièrement élevé dans ce pays.
Le maghreb justement, qui semble bénéficier dans cette affaire d’un statut d’exception, l’initiative grand moyen orient se caractérisant d’avantage dans cet espace par une politique de séduction des pouvoirs en place par les états unis, dans une compétition désormais ouverte avec l’europe, beaucoup plus présente de ce côté-ci de la méditerranée.
Mieux, le maghreb se hisse au rang de co-partenaire des états unis, étroitement associé à l’animation de ce programme. Rabat a accueilli en décembre 2004 le premier forum consacré au grand moyen orient, Tunis qui prépare le Sommet Mondial de la Société de l’Information organisé avec la banque mondiale en décembre prochain, a accueilli le siège du MEPI (le « programme MEDA » de l’initiative grand moyen orient).Elle va accueillir Ariel Sharon, retrouvant d’un seul coup un rôle diplomatique sur la scène méditerranéenne qu’elle avait perdu depuis de nombreuses années, dusse-t-elle pour cela se mettre à dos les opinions maghrébines qui n’ont pas la mémoire courte concernant l’action passée du premier ministre israélien.
Enfin Alger est de plus en plus confirmé comme le partenaire maghrébin privilégié de Washington, notamment sur le plan militaire et de la lutte anti-terroriste, tandis que son rôle diplomatique se renforce de jour en jour.
L’accueil du sommet de la ligue arabe à Alger le 22 mars prochain, dans une lutte à peine feutrée de leadership avec l’Egypte, avec une action probable de la diplomatie américaine en sous- main, en froid avec un Moubarak réticent par rapport à l’initiative du grand moyen orient, devrait le confirmer magistralement. Ce sommet pourrait également mettre au crédit de l’algérie la relance d’une ligue arabe devenue moribonde, alors qu’elle serait susceptible de constituer un véritable partenaire pour l’europe et les états unis.
Pour autant ni la Tunisie ni l’Algérie ne constituent des modèles véritables pour la démocratisation de la région, alors que leur proximité géostratégique avec l’europe justifierait une attention particulière à leur évolution politique:
Si la Tunisie apparaît socialement plus avancée que bien des pays de la région, la chape de plomb qui y règne sur le plan politique (il suffit de s’approcher à Tunis d’un kiosque à journaux pour constater le peu de liberté d’expression qui y règne) y est intolérable dans un pays qui mériterait assurément une vie politique moins médiocre.
Quand à l’Algérie, si la liberté d’expression y semble mieux assurée, et si la situation politique y a considérablement évolué après plus d’une décennie d’une guerre civile cruelle, on ne peut pas pour autant parler d’une sortie définitive de crise, malgré l’habileté du président Bouteflika, tant les tenants et les aboutissants de cette guerre demeurent obscurs. La question de l’amnistie, dont le procédé aurait été adoubé par les américains (1) , semble montrer les limites de l’évolution d’un régime qui tarde à vouloir reconnaître ses responsabilités dans un conflit qui fut des deux côtés, et notamment du côté du pouvoir, le théâtre de manipulations et de crimes à très grande échelle.
Néanmoins, il n’en reste pas moins vrai que si l’aventure irakienne reste profondément incomprise et condamnée dans le monde arabe et par l’europe, plus soucieuse de la stabilité de cette région que les états unis, que la naiveté et la relative méconnaissance qu’ils peuvent avoir de cette région encourage dans une attitude « d’agitateur » du chaudron moyen oriental , les européens apparaissent profondément déstabilisés dans leur politique à l’égard du monde arabe et méditerranéen, d’autant que celle –ci est également au point mort. Le partenariat pour le grand moyen orient apparaît en tout cas plus dynamique que feu le « partenariat euro-méditerranéen » transformé depuis en une « politique de voisinage » qui ne semble pas de nature à relancer « l’esprit de Barcelone ». La prochaine conférence euro-méditerranéenne début Avril 2005 au Luxembourg pourrait être une première occasion de relancer le processus, à condition de mettre la barre très haut, y compris sur le plan politique voire même sur le plan des exigences démocratiques, et dans une nouvelle forme de « compétition –coopération » avec les états unis pour la région. Sans quoi, comme le souligne la revue « études » (2) , « une deuxième phase de palinodies serait fatale à l’avenir de la région et, plus encore, à celui de l’union européenne », au bénéfice exclusif de la puissance américaine…

(1) l’expression, le 23.02.05 : « les états unis cautionnent l’amnistie générale »
(2) le partenariat euro-méditerranéen, à la recherche d’un nouveau souffle, Olivier Morin, revue études, février 2005

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