Le moyen orient a connu une telle accumulation de crises depuis la délirante expédition américaine en Irak en 2003 qu’une éclaircie telle qu’elle se produit actuellement dans ces contrées tourmentées apparaît comme une divine surprise.
Elle marque un tournant parce qu’elle indique à la fois un premier reflux de la puissance américaine dans cette région et peut-être le début de la recherche d’une solution par les orientaux eux-mêmes, arabes, iraniens, sunnites et chiites, pour commencer à traiter une à une les crises qui se sont enkistées dans la région ces quatre dernières années.
Elle marque également un premier coup d’arrêt à l’engrenage des conflits à la fois internes à la région, mais aussi un répit dans le nouvel abcès de fixation régional avec les américains : la question du nucléaire iranien, qui semblait devoir déboucher, avec un nouveau déploiement militaire américain dans le golfe, sur des attaques aériennes américaines à brève échéance et une nouvelle guerre en perspective au moyen orient.
Certes, les Etats-Unis cherchent aussi, à travers la conférence internationale sur l’Irak officiellement convoquée par le premier ministre irakien Maliki une solution pour préparer mezza voce leur futur retrait d’Irak, conformément aux nouveaux équilibres en cours à Washington, et les entretiens irano-saoudiens ont été préparés par Bandar, un des princes saoudiens les plus fidèles à Washington. Il n’empêche que nous sommes bien à un tournant au moyen orient.
Ce tournant majeur c’est celui du grand retour de la diplomatie :
Les deux éléments les plus marquants auront été dans ce domaine
-la convocation d’une conférence internationale sur l’Irak le 10 Mars prochain, à l’initiative du gouvernement irakien. Conformément au rapport Baker, elle sera marquée par la présence de l’Iran et de la Syrie à la conférence, et donc par leurs retour sur la scène diplomatique, officiellement en charge de la « stabilisation » de l’Irak, et qui se retrouveront donc de concert avec les états unis : l’Iran qui était encore il y a peu au bord de l’affrontement militaire avec les américains. Quand à la Syrie, elle semble aussi sortir de son purgatoire et devrait également se retrouver nez à nez avec la France qui a rompu tout contact officiel avec elle depuis l’affaire Hariri.
Le second événement majeur est la rencontre Ahmaninejad- Abdallah à Riyad entre les deux grandes puissance rivales de la région, l’Iran et l’Arabie Saoudite et chefs de files concurrents des mondes sunnites et chiites, entre lesquels la tension n’a pas cessé de monter ces deux dernières années.
Deux grandes puissances qui ont appelé lors de cette rencontre à « faire cesser la tension entre sunnites et chiites », et qui se sont même payé le luxe de « dénoncer leurs ennemis communs qui veulent faire du mal aux musulmans ». Deux dirigeants qui sont néanmoins dans des situations différentes, le président iranien étant pour sa part confronté à de fortes contestations internes et invité à faire preuve de plus de modération dans son action internationale, le roi Abdallah sonnant pour sa part le grand retour de la diplomatie saoudienne, après son relatif effacement depuis les événements du 11 septembre 2001.
Deux enseignements majeurs donc :
-le reflux de la puissance américaine : Il s’agit là de la conséquence du changement politique à Washington et donc, de l’émergence d’une nouvelle politique moyen-orientale à Washington qu’on a pu observer à la fois dans la timide relance du processus de paix israélo-palestinien par Condolizza Rice, mais surtout dans le récent ralliement des états unis aux idées de la Troika européenne concernant la préférence à une politique de sanctions à l’égard de l’Iran plutôt qu’a l’option militaire.
La recherche de solutions par les acteurs régionaux eux-mêmes qui semblent désormais décidés à agir par eux même et à ne plus se laisser manipuler par les américains (rappelons nous que même le premier ministre irakien s’était laissé aller à dire à la conférence de Davos que « l’intervention américaine en Irak avait été quelquechose d’absurde »).
Mais venons en à présent aux crises elles-mêmes :
En Palestine, si l’Iran affichait clairement son soutien au Hamas, dont les militants étaient du coup traités de « chiites » dans les manifestations en Palestine (alors que la totalité des musulmans palestiniens sont sunnites à l’exception de la minorité druze), il n’y pas de réels différents avec l’Arabie Saoudite qui soutient également le Hamas, le différent étant avec le quartet (Etats-Unis, Europe, Russie, ONU) à l’origine du boycott financier de la Palestine, avec lesquels Riyad entretient de bonnes relations..
Dans cette crise l’Arabie a joué un rôle éminent pour en finir avec la logique de guerre civile dans les territoires palestiniens, mais aussi dans l’évolution des positions du Hamas (reconnaissance des accords passés par l’OLP avec Israel), et la formation d’un gouvernement d’union nationale en organisant notamment la rencontre Abbas-Méchaal à Riyad. Un travail qui a déjà débouché sur une nette évolution des positions de la Russie et de certains pays européens (la France et la Norvège en particulier) à l’égard du futur gouvernement d’union nationale en Palestine et du budget palestinien.
Au Liban, la crise implique plus directement Arabie saoudite et Iran, le premier étant clairement derrière le gouvernement de Fouad Siniora (Hariri , le « père spirituel » de celui-ci n’aurait par ailleurs jamais existé sans sa « carrière » antérieure en Arabie), tandis que l’Iran est clairement présent aux côté de l’opposition majoritairement chiite.
On observera par ailleurs que si la Syrie était autre fois un pont entre les pays du golfe et l’Iran, la situation de celle-ci s’est tellement fragilisée au point qu’on peut se demander si ce n’est pas désormais Téhéran qui bientôt assurera sa défense dans l’affaire du tribunal international …Bachar el assad était par ailleurs à Téhéran il y a encore peu de temps pour renforcer son alliance avec l’Iran dans cette affaire. Un Liban paralysé depuis novembre par le retrait des ministres du Hezbollah du gouvernement et les manifestations quotidiennes de l’opposition, et dont l’enjeu majeur est bien le renvoi de la Syrie devant le tribunal pénal international. La décision des deux grands de la région (si elle survient) de calmer le jeu au liban y est très bien accueillie, même si il est encore difficile de prévoir quelles seront les conséquences de ce dialogue pour la Syrie.
En Irak la volonté de calmer le jeu entre chiites et sunnites est également une avancée très positive, face à une situation de moins en moins contrôlable et dont la poursuite s’exerce désormais au détriment de l’Arabie ( un Irak base arrière pour Alquaida qui a récemment signalé son retour en Arabie par l’assassinat de quatre français) comme de l’Iran, même si celui ci y a incontestablement renforcé son influence depuis la victoire des partis chiites aux législatives.
Enfin l’intervention de l’Arabie en soutien à l’iran dans l’affaire du nucléaire iranien est également une nouveauté qu’il faut souligner.
Si on ne sait pas ce que Ahmaninéjad et le roi Abdallah ont pu se dire à propos de la Syrie, Il est clair que la situation est en train d’évoluer positivement depuis quelques semaines au Moyen Orient.
Marseille le 3 mars 2007
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